D’UNE ORANGERAIE À L’AUTRE - UN VOYAGE FAMILIAL -REPORTING FROM SUO’OSHIMA-WEST SETO SEA-YAMAGUCHI- JAPAN
Je viens d’un pays qui n’existe plus: l’Algérie Française. Mes arrière- arrière-grands-parents y ont immigrés au début du siècle dernier. Nés en Lozère, enfants d’une terre aride faite de cailloux, de montagnes creusées de vallées encaissées et peuplée de brebis, Ils étaient prêt à tout pour échapper à leur fatalité et rêvaient de conquérir de nouveaux espaces ou les dangers n’étaient rien comparés aux opportunités. Ils répondirent à l’appel du gouvernement français qui proposait alors, un avenir exotique dans cette autre colonie de cocagne après l’Indochine: l’Algérie.
Entre bonheurs et terreurs ma famille y resta près de 160 ans.
De 1960 à 1964, sur le bateau qui les arrachaient à leur terre d’adoption, des familles françaises ayant partagés le même destin, pleuraient en regardant Alger la blanche s’effacer dans les brumes, emportant avec eux les réminiscences d’un Éden à jamais disparu. Cette disparition je la porte en moi et j’ai de la peine pour eux…
ALGÉRIE/ Mon arrière-grand-père Odilon était l’un des 18 enfants du couple. Arrivé à 4 ans en Algérie, il en repartirait à 94.
Ses parents avaient obtenu un lopin de terre dans la région montagneuse des Babors , en petite Kabylie. Avec leurs 18 enfants, ils arrivèrent en charrette à bras jusqu’à Chevreul (aujourd’hui Beni Aziz) village algérien qui deviendrait le fief de la Famille Pradeilles ou ma mère et ses sœurs allaient naître et vivre heureuses jusqu’à leur 20 ans.
Mon grand-père Marcel exploita les terres de ses grands-parents ainsi que celles de son père Odilon. Il devint maire du village et maria Yolande, la jolie institutrice qui deviendrait la directrice autoritaire de son large domaine et de sa domesticité. L’Algérie était le pays des orangers. On y plantait des champs partout. Son commerce enrichissait les familles de colons et le parfum des fleurs embaumait l’air dés la fin de l’été. Yolande fabriquait donc son vin d’oranges, vin dont ses amis raffolaient et qu’ils appelaient pour la taquiner son “vin de Messe”.
JAPON/ L’île de Suo’Oshima, à l’Ouest de la mer de Seto a longtemps été prospère grâce à la culture des orangers. Arrivée par hasard dans ce coin du Japon, je rencontrais il y a 3 ans, nos vignerons sur l’ile de Suo’Oshima (nous produisons 1 blanc et un rouge en cépage locale le "Yamasou Binion" un melange de Cabernet Sauvignon & Mountain grapes) Très vite ils me demandèrent une recette de vin d’oranges pour utiliser les récoltes encore abondantes de Mikans, la variété locale de mandarines.
JAPON /Toshifumi Ishida est un de ces neo-farmer échappé de la jungle tokyoïte pour les contours d’une île qui lui proposait une terre et une autre vie. Il a repris depuis quelques années le verger d’un fermier local devenu trop vieux et cultive en sauvage son nouveau domaine. D’une beauté à couper le souffle, ses vergers s’étendent sur des arpents de terres accrochés à la montagne et surplombant la baie d’Agenosho toute parsemée de petites rochers sauvages.
Il m’a raconté ses arbres qu’il regarde pousser, les fruits verts qui suivent la floraison avant de virer orange avec les premiers froids, des histoires d’oiseaux migrateurs qui passent sur ses terres et s’y arrêtent un instant. Il me tendit un panier, des ciseaux et je me servit sur l’arbre.
ALGÉRIE / La ferme Meghraoui se trouvait à quelques kilomètres du village à l’intérieur des terres. Mes arrières-arrières-grands-parents l’avaient reçu en héritage du gouvernement français. On y cultivait du blé, de la vigne, l’orangeraie fournissait les fruits de saisons. Les oranges arrivaient vers Noël. Marcel , pour le dessert, épluchait les belles oranges pour toute la famille - une tradition qui est reste chez nous et encore maintenant, je reçois régulièrement sans l’avoir demandé un quartier de pomme ou une tranche d’orange épluchée, à la fin d’un repas familial - Marcel s’appliquait à fabriquer de jolies serpentins que l’on mettait ensuite à sécher près de la cheminée. Les zestes d’oranges embaumaient l’atmosphère tandis que l’hiver avec ses premières neiges, apportait d’autres occupations domestiques dont celle de la fabrication du Vin d’Oranges.
JAPON / En venant ici, les orangers sont devenus par hasard le lien qui me reliait à l’Algérie. Le trais d’union entre le passé et mon présent et Yolande voyageait avec moi ainsi que toute son histoire, ses grands et petits actes qui avaient marqués à jamais mon imaginaire. Elle continuait à participer à l’histoire de notre grande famille de voyageurs qui, à travers les siècles, façonnait leur manière d’être là, sur cette terre, sans limite ni frontière.
A suivre…
Recette de Yolande - Chevreul - Algérie
Pour un litre de vin (faire au moins 5 litres)
5 peaux par litre - séchées, avec le moins de blanc possible.
Une gousse de vanille coupée en deux dans la longueur
Un petit bout d’écorce de cannelle
200 a 250 gr de sucre préparé en caramel
fleurs de Nérolie en macération
Mettre dans le vin, les zestes, la cannelle, les fleurs de Nérolie et la vanille. Faire macérer dans un bocal bien fermé pendant un mois.
Au bout d’un mois transvaser dans une jarre et ajouter le sucre / bien faire fondre en faisant un peu de caramel avec le sucre. Ajouter 10 cl de Marc ou d’eau de vie.
Passez le vin à travers une mousseline après la deuxième macération (2/3 mois)
Voir aussi / http://theblue.blog/blog-supply/2018/1/18/natural-wine-project-suo-oshima-yamaguchi-japan